Si vous en avez les moyens, vous employez peut-être quelqu'un pour faire le ménage chez vous. Dans ce cas il y a peu de chance pour que vous ayez à manipuler un aspirateur. Il y a donc un certain nombre de gestes et de processus cognitifs liés à la manipulation de cette appareil dont vous n'aurez pas connaissance. L'aspect un peu paranoïde de la pensée d'Oslo Kahn (et en même temps intéressante), est que la perspective fonctionnaliste de la relation entre l'opérateur et l'outil est inversé. En gros, il pense que c'est l'objet technique (l'aspirateur) qui, par une dialectique gestuelle imposée par son usage, dispense un message secret, crypté et subliminale à l'opérateur pour le convaincre de son identité et de sa classification sociale. On est, il me semble, pas très loin du concept de Simondon d'individuation de l'objet technique, mais dans une modalité où l'outil ne tend pas uniquement vers sa cohérence interne idéale, mais aussi vers sa cohérence avec le monde entier en manipulant ce dernier à dessein! Gilbert Simondon est par ailleurs souvent cité par Oslo Kahn:
"...La primauté de leur fonction nous fait croire qu'il n'ont d'autres messages que l'énoncé de leur usage. C'est là que nous nous trompons. Les objets techniques sont porteurs d'un propos performatif qui agit sur nous afin que nous façonnions le monde dans le but de les recevoir et de faire de notre réalité la leur. Le résultat est que notre monde nous est de plus en plus étranger et que nous en perdons l'usage. Simondon professait que la technologie était le mode d'expression naturelle de l'homme par l'accumulation de millénaire de "savoir-faire". Je pense que la technologie à atteint maintenant un "savoir-être" qui fait qu'une voiture, une perceuse ou une machine à café agissent sur nous par le biais d'une dialectique cachée qu'ils mettent en oeuvre par leur simple présence. C'est ma certitude. A travers l'objet, quelque chose parle et œuvre dans un but inconnu qu'il faut découvrir ." En citant ce passage d'une de nos rares conversations, il me vient à l'esprit qu'Oslo Kahn est peut être le chaînon manquant entre Gilbert Simondon et Philipp K. Dick.
Une telle conception du monde, regorgeant d'objet technologique qui murmurent à nos oreilles pour nous imposer un destin qui nous échappe, crée chez Oslo Kahn un trouble relationnel avec ce monde et ses contemporains. Contrairement à ce qu'il écrit dans la bio que je lui ai demandé, je doute qu'il n'ai jamais, de sa vie, quitté Göttenborg. Terrifié par les objets technologiques les plus banales, il ne sort jamais du pavillon de banlieue dans lequel il est né. Seul l'ordinateur, son outil de travail, trouve grâce à ses yeux. Dans la mesure où il a créé lui même les logiciels de dessin qu'il utilise, il juge que le medium informatique est suffisamment "plastique" et "transparent" dans son usage pour ne délivrer que des messages dont il a le contrôle. Néanmoins, il reste déconnecté de tout les réseaux (nous communiquons par fax et par voie postale).
Je trouve que cette paranoïa vis à vis de la technologie ne caractérise pas vraiment le travail d'Oslo Kahn. J'y vois davantage un constat d'étrangeté entre des formes organiques humaines et des objets technologiques. Ces objets semblent effectivement avoir leur vie propre, ainsi que des pouvoirs mystérieux très loin de leur usage, mais pas forcément mal-intentionné. Le couple d'humanoïdes omniprésent semblent s'interroger sur les objets eux-même, leur usage, leur message, comme si c'était ces derniers qui détenaient le sens et le but caché de leur existence de pseudo-humain. Et il semble bien, effectivement, que ce sont ces humanoïdes qui sont les outils des objets, en attente de l'usage que ces derniers leur donneront.
C'est ici que le travail d'Oslo Kahn m'émeut car il évoque l'état actuel de disruption entre le progrès technologique et le bien-être, entre croissance économique et conditions d'une possible survie. Je ne sais si les objets de consommation "murmurent" mais dans tous les cas ils sont bien les émanations de forces puissantes, disséminés et insaisissable, qui ne sont plus conciliables avec d'autres forces: celles qui nous animent, nous font aimer et espérer.
Je citerai pour finir un spécialiste de Simondon, Pascal Chabot:
"En nous coexistent trois visages : un moi cherchant sa place dans un système constitué de vitres protectrices et d’écrans ; un sujet clivé par les ultraforces d’une mondialisation qui crée autant qu’elle détruit ; et enfin un soi précieux marqué par la saveur d’exister, la recherche d’équilibre et le goût des autres. Comment inventer une convergence entre ces trois facettes de nous-même ? Comment sortir du dualisme appauvrissant qui résulte de la surenchère entre systèmes fragilisés et ultraforces décomplexées ?".
C'est certainement une question du même ordre que se posent les humanoïdes d'Oslo Kahn. Comme nous, ce sont des étrangers égarés dans un monde qui devrait pourtant être le leur. L'attention du spectateur n'est pas porté vers eux, ni vers l'objet technique, mais vers l'entre-deux, le vide, l'abîme qui les sépare,
le sentiment d'"étrangeté" que l'on ressent face au travail d'Oslo Kahn est en fait la manifestation d'un vertige devant un gouffre dans lequel nous sommes véritablement menacé de tomber.
Les particularités psychologiques d'Oslo Kahn le rendant inapte à une vie sociale normale dans des conditions économiques dignes, je l'ai convaincue de me laisser réunir ici quelques un de ses travaux (j'espère être en mesure d'en présenter prochainement d'avantage).
Je voudrais remercier Monsieur Holeïoc Kahn, Madame Sarana Kahn, le Service culturel de la municipalité de Götenborg (qui héberge ce site), le professeur Hans Garashbadi, le professeur Viktor Toleman de l'hopital Möster de Götenborg ainsi que l'Institut Paul Koch.
Prix et résidences, reconnaissance à l'issue.
Né à Götteborg, a vécu à Bogotta, persévère à Cadaquès. New York comme sa poche.
Personnalité attachante dans le secret.
Preuves, évidences et contributions. Des pairs témoignent.
S'affaire dans l'assemblage, rabotage et tranche dans les fragments.
(Au prix ou sont les choses)
Évaporation et recherches sur la condensation en huit clos.
Agrégation de données labellisées.Tout un programme.
Voit en cachette Timothy Morton. Récupère les balles. Thomas Hirschhorn, Barbara Kruger sans se vanter. Parle des quasi objets sans bégayer. Mord dans le vif. A Oslo excelle au Rummy.
Justificatifs à l'envie, garanties à vie.
Riche documentation, Exergues savantes, citations pertinentes en construction et à venir.
Vis bien.
Roman Signer in revue Agone: "Il y a chez lui une forme d'absence et finalement de déshérence. La solitude de celui qui est entre deux mondes sans avoir accès à aucun. Il est né avec des dons pour lesquels il n'y a pas d'emplois. Et ses talents sont inutiles tant il est incapable de communiquer autour de ses productions."
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